Maladie de la langue bleue:Fièvre catarrhale ovine


La fièvre catarrhale ovine (FCO) est une maladie vectorielle non contagieuse. Le virus causal appartient au genre Orbivirus de la famille Reoviridae. L’infection est habituellement inapparente chez les bovins, qui peuvent intervenir comme réservoir du virus. Cependant, certains sérotypes, comme le sérotype 8, à l’origine d’une épizootie en Europe du Nord, présentent chez les bovins une virulence plus grande que celle observée antérieurement .

Les moutons restent l’hôte principal du virus mais l’infection se produit aussi, bien que souvent subclinique, chez les ruminants sauvages, les bovins et les chèvres. Les races ovines locales sont habituellement plus résistantes que les autres à l’infection virale. Les cervidés peuvent aussi être infectés par un orbivirus étroitement apparenté, responsable de la maladie hémorragique épizootique. Les insectes vecteurs de la Fièvre catarrhale ovine(FCO) sont des moucherons culicoïdes.

Le virus contient deux capsides enfermant un cœur consistant en dix segments d’ARN bicaténaire qui codent sept protéines structurales (VP1 à VP7) et quatre protéines non structurales (NS1 à NS3, NS3A). La capside externe est formée par les protéines VP5 et VP2, impliquées dans la neutralisation virale et responsables de la spécificité du sérotype. La capside interne est constituée par la protéine VP7, qui est l’antigène spécifique de groupe. La protéine VP1, présente dans le cœur du virus, est l’ARN polymérase virale.

Le génome viral est segmenté et le réassortiment de segments peut se produire lors de co-infections. De plus, le génome viral montre un taux élevé de mutations, contribuant à la dérive antigénique. La variabilité génétique du virus de la Fièvre catarrhale ovine(FCO), dont en témoignent les 24 sérotypes existants, est due à ces caractéristiques. Parmi ces 24 sérotypes, l’existence des sérotypes 1, 2, 4, 9 et 16 a été rapportée en Europe méditerranéenne en 2006 et 2007 . Le sérotype 8 fut responsable de l’épizootie qui a sévi en Europe du Nord en 2006. On soupçonne l’existence d’un sérotype .

Fièvre catarrhale ovine : pathogénie 


Le virus persiste dans les culicoïdes durant leur vie. Après un repas de sang, le virus passe au travers de la paroi intestinale et se dissémine via l’hémocoele dans différents tissus, jusqu’aux glandes salivaires, où il continue sa multiplication. Il est ensuite excrété dans la salive de l’insecte. La transmission virale s’opère donc principalement par la piqûre de l’insecte. Le vecteur atteint sa capacité d’infection maximale dix jours après avoir absorbé le sang d’un animal en virémie.

Après l’infection par une piqûre d’insecte, le virus de la Fièvre catarrhale ovine(FCO) se multiplie dans les nœuds lymphatiques régionaux. Il se dissémine et infecte l’endothélium vasculaire, les macrophages, ainsi que les cellules dendritiques de différents organes. Dans le sang, le virus est adsorbé à la surface des érythrocytes et des plaquettes, alors qu’il se multiplie dans les monocytes et les lymphoblastes. 

 Le virus infectieux se trouve dans des invaginations de la membrane plasmique des érythrocytes et des lymphocytes, ce qui explique la virémie en présence d’anticorps neutralisants. Chez le mouton, la période d’incubation moyenne est de 6 à 8 jours (intervalle de 2 à 18 jours). La période d’incubation est supposée de même longueur chez les bovins que chez les ovins. 

La pathogénie varie selon le sérotype viral et l’espèce de ruminant. Il y a une grande différence dans l’expression de la maladie entre les bovins et les ovins, qui peut être due à une réponse différente des cellules endothéliales à l’infection : à l’inverse des moutons, les bovins développent habituellement une infection subclinique, à l’exception de l’infection par le sérotype 8 comme cela s’est manifesté en Europe du Nord. 

Chez les moutons, les lésions des cellules endothéliales des petits vaisseaux sanguins provoquent de la thrombose vasculaire et la nécrose du tissu atteint par ischémie. Ces lésions aboutissent à des ulcères buccaux, de l’inflammation des bourrelets coronaires, de la nécrose musculaire et des extravasations menant à de l’œdème facial et pulmonaire, ainsi qu’à des effusions pleurales et péricardiques . Une virémie de longue durée, associée aux cellules, est caractéristique de la Fièvre catarrhale ovine (FCO). 

La virémie libre est transitoire. La charge virale élevée et la virémie de longue durée augmentent le risque d’infection des vecteurs culicoïdes. Les anticorps neutralisants apparaissent après 14 jours mais ils n’éliminent pas le virus, protégé par son association avec les cellules sanguines. Au début de la virémie, le virus est associé à différentes cellules sanguines. Ensuite, la virémie est presqu’exclusivement associée aux érythrocytes sanguins. Ces cellules n’ont cependant pas la capacité de multiplier le virus .

L’infection par le virus de la Fièvre catarrhale ovine (FCO) n’est pas persistante. La durée de la virémie est associée en partie à la durée de vie des érythrocytes, ce qui explique que la virémie soit plus longue chez les bovins que chez les moutons. En conditions expérimentales, la virémie dure 14 à 45 jours chez les moutons et jusqu’à 31 jours chez les chèvres. L’amplification en chaîne par la polymérase après transcription inverse (RT-PCR) est utilisée pour détecter le génome viral. 

Avec cette technique, la virémie est détectée durant une période beaucoup plus longue que la virémie infectante. La durée de la virémie capable d’infecter les vecteurs hématophages est d’à peu près 60 jours. Elle est vraisemblablement plus courte en conditions naturelles. Dans la majorité des cas, la virémie dure moins de 60 jours chez les bovins, mais reste plus longue que chez le mouton. Les taureaux infectés peuvent excréter le virus dans le sperme et devenir porteurs durant de longues périodes . 

En plus de la transmission par les insectes vecteurs, le virus peut être transmis verticalement in utero. Des cas d’avortements et de malformations fœtales dus à la FCO se produisent de manière sporadique chez les ruminants. Le passage transplacentaire du virus provoque des signes cliniques variables selon la période de gestation durant laquelle l’infection s’effectue. Durant le premier tiers de gestation, de la mortalité embryonnaire et fœtale s’observe. L’infection durant le deuxième tiers de la gestation peut provoquer des anomalies congénitales, telles que de l’hydranencéphalie et de la dysplasie rétinienne, qui sont dues à la destruction de neurones et de précurseurs de cellules gliales par le virus, avant la migration de ces cellules dans différentes parties du cerveau. Durant le dernier tiers de gestation, le fœtus développe une réponse immune et élimine l’infection. L’avortement est rare par rapport aux anomalies congénitales. Certains avortements non spécifiques sont la conséquence directe due au stress de l’infection chez la brebis . 

Les vecteurs compétents incluent Culicoides imicola en Afrique et Europe méditerranéenne, C. sonorensis en Amérique du Nord, C. insignis et pusillus en Amérique du Sud, et C. brevitarsis en Australie . En Europe, C. obsoletus et scoticus ont été identifiés dans le centre de l’Italie et C. pulicaris en Sicile. C. dewulfi est reconnu comme vecteur en Europe du Nord . 

La FCO se produit après l’introduction de moutons infectés ou de vecteurs dans une zone non infectée où le vecteur est indigène. L’infection subclinique se produit fréquemment chez les bovins et les chèvres, qui pourraient servir de réservoirs de l’infection. Quand la maladie est enzootique, les signes cliniques sont surtout observés chez les moutons sensibles importés. La distribution géographique du virus dépend de la présence de vecteurs culicoïdes et la maladie est donc saisonnière et est surtout observée dans les régions chaudes et humides, près de mares d’eau stagnante. La découverte d’autres vecteurs culicoïdes est possible. En régions tempérées, la maladie se développe surtout à la fin de l’été et au début de l’hiver, alors que dans les régions subtropicales, la FCO s’observe au printemps et au début de l’été, mais peut aussi se présenter durant toute l’année . 

En l’absence de transmission transovarienne du virus chez les insectes, d’autres mécanismes ont été suggérés pour expliquer le phénomène de persistance de l’infection durant l’hiver (overwintering), et aussi durant 9 à 12 mois en l’absence de vecteurs adultes. Un tel mécanisme pourrait dépendre de l’établissement d’infections chroniques chez les ovins et les bovins. Dans ce contexte, les lymphocytes Tγδ sont associés à une infection persistante chez les moutons .

Les vecteurs de la Fièvre catarrhale ovine : Les culicoïdes 


Les culicoïdes sont de petits (1-4 mm de longueur) diptères piqueurs appartenant à la famille des Ceratopogonidae (Fig. 1). On les trouve des tropiques à la toundra et du niveau de la mer jusqu’à une altitude de 4 000 m. Leur rôle vecteur de maladies parasitaires et virales chez les humains, et particulièrement chez les animaux, est reconnu depuis longtemps (Tableau I). 

De plus, les culicoïdes peuvent, par leur forte abondance, avoir un véritable effet néfaste, suite au désagrément causé par les piqûres des moucherons femelles. Leur présence peut donc gêner l’essor économique de certaines régions en entravant les activités agricoles et le développement du tourisme. De plus, ils ont été impliqués dans l’éclosion de plusieurs épizooties virales, dont la peste équine et la Fièvre catarrhale ovine (FCO) .
Pour la majorité des espèces de culicoïdes, les femelles adultes sont hématophages ; elles prennent un repas sanguin tous les 3 ou 4 jours environ et sont principalement rencontrées au niveau du sol, à proximité des animaux . 

Certaines espèces sont anthropophiles (C. obsoletus et C. impunctatus, par exemple) tandis que d’autres préfèrent s’attaquer au bétail (moutons, chèvres, bovins) ou aux oiseaux. La plupart des espèces de moucherons piqueurs sont actives – et piquent donc – au crépuscule et la nuit ; cependant, certains moucherons piquent de préférence en plein jour (C. nubeculosus, par exemple). 

Les culicoïdes mâles sont généralement floricoles : ils se nourrissent de nectar, de sucre et de pollen ainsi que des liquides de décomposition de la matière organique . De ce fait, les mâles fréquentent préférentiellement le sommet des arbres . Les larves se nourrissent de débris organiques divers ou sont prédatrices de nématodes, bactéries, protozoaires et même de leurs propres congénères .

Tableau I :Hommes et espèces animales affectées par certaines espèces de moucherons piqueurs

La plupart des espèces de culicoïdes nécessitent un milieu humide pour se reproduire et pondre leurs œufs. En effet, le développement larvaire est optimal dans les microhabitats semi-aquatiques, comprenant principalement les substrats chauds, humides ou détrempés, riches en débris organiques (excréments-eaux résiduelles, boue, prairies humides, etc.) .

D’une manière générale, les larves se rencontrent principalement dans les cinq à six premiers centimètres de la couche superficielle du milieu . Les nymphes se retrouvent également à la surface du milieu (boue ou eau) dans lequel le développement larvaire s’est déroulé. 

Les adultes s’accouplent généralement dans les environs immédiats des exploitations de bétail, essentiellement près des milieux humides ou d’eaux stagnantes. En effet, ils ne s’éloignent guère, de façon active, de l’endroit où ils ont éclos .

Les Culicoides spp. ont une activité essentiellement nocturne. Durant la journée, ils se reposent généralement à l’ombre sur la face inférieure des feuilles d’arbre ou des herbes .

La survie, l’activité et la dispersion des culicoïdes sont fortement influencées par les facteurs météorologiques tels que la température, l’humidité et l’agitation de l’air. La température est sans doute le principal facteur environnemental influençant le comportement et la survie de ces moucherons.

En effet, leur activité est la plus élevée entre 13 °C et 35 °C , même si ces limites varient en fonction des espèces. Par exemple, Losson et al. ont constaté des vols de C. obsoletus à des températures minimales situées entre 6 °C et 12 °C dans des étables au cours de l’hiver 2006-2007.

Une humidité élevée est également un critère important pour le développement et la survie des culicoïdes . En effet, les larves sont particulièrement sensibles à la dessiccation, qui les tue rapidement. La sécheresse est également défavorable aux adultes, qui se réfugient dans la végétation jusqu’à un changement de temps leur permettant de reprendre leur activité.

Ils sont également réfractaires à la pluie, puisqu’elle empêche leurs vols. Ces comportements expliquent le fait que dans les régions tempérées, ces vecteurs sont particulièrement abondants vers la fin de l’été et le début de l’automne. 

Durant leur période de vol, les culicoïdes adultes ne s’éloignent pas plus de quelques centaines de mètres de l’endroit où les imagos ont vu le jour. Leur dispersion active est donc très limitée . Leur dispersion passive par les vents chauds, humides soufflant à basse altitude (< 2 000 m) à une vitesse moyenne de 10 à 40 km/h est un facteur bien plus important pouvant les transporter à une distance de plusieurs centaines de kilomètres.

Cette propagation des insectes vers de nouvelles régions pourrait expliquer certaines épizooties de Fièvre catarrhale ovine (FCO) constatées ces dernières années, telle que celle en Espagne . La densité des populations de culicoïdes adultes varie avec la saison.

Certaines espèces ont une répartition plus large au cours de l’année tandis que d’autres se rencontrent uniquement durant de courtes périodes. Par exemple, l’espèce C. impunctatus se rencontre approximativement de fin mai à fin septembre , tandis que C. obsoletus et C. scoticus sont des espèces plus précoces ayant une longue période de vol ; elles apparaissent mi-avril pour disparaître début novembre . De façon générale, deux générations de moucherons piqueurs sont engendrées chaque année, une population importante au printemps et une plus restreinte en été .

Nouveau dans : maladies

Enregistrer un commentaire